Vidéo : ce qui a changé depuis 2010

Le 21 décembre 2012, un événement planétaire sur la toile a éclipsé tous les autres : le clip « Gangnam Style » du chanteur coréen Psy franchissait le seuil du milliard de vues sur YouTube, établissant ainsi un record pour le champion de la vidéo en ligne, et consacrant la vidéo comme un moyen universel de communication digitale. En 2013, plus que jamais, la diffusion de contenus vidéo fait l’objet d’une attention particulière : raison de plus pour s’y intéresser.

Extrait du clip de Psy, Gangnam Style

Nous avions insisté, dans le précédent ouvrage, sur le potentiel de la vidéo dans le cadre de la communication d’entreprise. Les trois dernières années n’ont fait que renforcer son importance dans la communication digitale des entreprises. Car la consommation de contenus vidéo s’est durablement installée dans le comportement des internautes.

La vidéo, principale source de trafic sur Internet

En abordant le sujet de la vidéo sur Internet, l’immensité des chiffres est frappante, tellement assourdissante qu’on a, avouons-le, un peu de mal à y croire. L’étonnante infographie d’Intel, qui établit ce qui se passe chaque minute sur Internet, nous apprend que chaque minute, 30 heures de vidéo sont chargées sur YouTube, et que 1,3 million de vidéos sont vues, soit environ 20 000 à la seconde !

L’impact sur l’encombrement du trafic Internet est évidemment non négligeable. En 2010, un rapport publié par Cisco établissait à 30% la part du trafic Internet issue du visionnage de contenus vidéo. Aujourd’hui, en France, le visionnage de contenus légaux ou illégaux représente déjà 90% du trafic Internet, selon une étude réalisée par l’IDATE pour le compte du CNC. Les vidéos illégales ne représentent d’ailleurs qu’une part mineure, à hauteur de 5%.

Il ne faut pas pour autant accabler YouTube : la vidéo sur Internet émane également des choix technologiques de ces dernières années, qui visent à diffuser les contenus télévisés … par Internet plutôt que par voie hertzienne ou par des réseaux câblés privés : l’ « IPTV » représente 7 millions de foyers, selon la même étude de l’IDATE. L’impact est loin d’être négligeable : de fait, si on éteint son téléviseur, on éteint rarement sa box, et on continue ainsi de recevoir le flux vidéo de la dernière chaîne que l’on regardait, utilisant de la bande passante pour rien…

La vidéo comme moyen de communication digitale en entreprise

L’utilisation de la vidéo au sein des entreprises ne date pas d’hier, loin s’en faut : déjà dans les années 90, certaines entreprises filmaient leurs événements pour redistribuer les contenus sous forme de cassettes VHS auprès de leurs clients, salariés ou prospects. L’irruption d’Internet et de la vidéo numérique a facilité tous les processus impliqués dans la production de tels contenus : captation, encodage / découpe, diffusion. De la même manière que pour les autres formes de contenu, la vidéo répond aussi bien à des besoins de communication interne qu’externe.

Néanmoins, au fil du temps, une règle prévaut dans la diffusion des contenus aussi bien à l’interne qu’à l’externe : l’hébergement sur les serveurs propres des entreprises est en voie de disparition, au profit d’un hébergement sur des solutions SaaS, avec trois acteurs prédominants dans ce domaine : YouTube, DailyMotion et Vimeo. Des solutions alternatives existent, mais la viabilité économique, à moyen terme, des plus petits acteurs doit être questionnée alors que des contenus corporate sont diffusés sur une telle plateforme. À moyen terme, il nous semble qu’il n’y aura de la place que pour 2 ou 3 acteurs significatifs.

La prédominance de YouTube est-elle inévitable ?

Dans l’utilisation de plateformes sociales au sein des grandes entreprises, YouTube et DailyMotion n’ont pas à rougir face à leurs concurrents. Selon l’étude réalisée en 2012 par un groupe d’enseignants de l’Université du Massachusetts, sur l’usage des médias sociaux par les 500 premières entreprises américaines, YouTube arrive en 3e position avec 62%, derrière Facebook (66%) et Twitter (73%). La communication par la vidéo atteint un niveau comparable à celle sur les autres plateformes sociales.

De son côté, Google a bien conscience de l’enjeu que représente YouTube auprès des entreprises. Début 2013, l’entreprise américaine a entamé un vaste mouvement de refonte des chaînes, pour uniformiser leur « look & feel »avec celui des profils Google+, poussant ainsi les administrateurs de ces chaînes à unifier leur stratégie médias sociaux autour d’un profil unique agglomérant vidéos et contenus de marque. La monétisation des contenus vidéo fait bien entendu partie des priorités de Google. Monétisation dont bénéficient également, et pour partie, les producteurs de contenus originaux.

YouTube, source de revenus pour des entreprises innovantes ?

Les dernières années ont également marqué l’essor de producteurs indépendants dont les contenus, diffusés et monétisés sur YouTube, leur ont assuré de singuliers revenus. Selon TubeMogul, et au-delà de la notoriété acquise par ce formidable coup de projecteur, Psy aurait ainsi touché 1 million de dollars de revenus publicitaires de la part de Google. Sans compter les revenus provenant de produits dérivés, licences et passages TV éventuels.

En France, des artistes comme Norman Thavaud, Cyprien Iov, ou Hugo Dessious (alias Hugotoutseul) ont constitué leur célébrité au travers de saynètes conçues et diffusées sur les plateformes de vidéo partagées, avec un formidable succès. Lancée fin 2010, « Norman fait des vidéos » a dépassé 150 millions de visionnages de ses différentes vidéos deux ans plus tard. Ces artistes se sont formidablement adaptés au format court et aux modes de diffusion de la communication digitale, au point d’attirer rapidement vers eux le regard des marques qui ont souhaité, non sans peine parfois, à s’associer à une part de leur notoriété.

Quels contenus pour quels usages professionnels ?

Les contenus professionnels que l’on trouve sur YouTube et ses concurrents varient selon la typologie des entreprises et de leur production. Pour les entreprises de l’univers des médias, comme les studios de production cinématographique ou les grands labels musicaux, c’est assez simple. Leurs catalogues de contenus sont suffisamment riches et attractifs pour séduire un public nombreux et passionné : bandes annonces de films, clips vidéo d’artistes à succès. Ces contenus peuvent être monétisés via Google, ainsi que via leur intégration sur iTunes : une entreprise comme le français Believe en a fait son cœur de métier.

Pour des entreprises aux produits moins séducteurs, toutefois, le défi est bien plus grand : comment fidéliser avec un contenu corporate qui n’a pas été conçu pour attirer le grand public, mais pour diffuser un message souvent conçu pour la télévision. On peut rester perplexe devant ces chaînes YouTube de grandes entreprises, parfois cotées, mettant à disposition des clips publicitaires. Certes, la diffusion de clips publicitaires n’est pas interdite, et cela fait sens quand ils sont d’une grande qualité, comme pour celui de la Croix-Rouge française. Elle est même conseillée quand le dispositif de mise en valeur de la publicité inclut une campagne digitale de grande ampleur, comme pour la publicité de la nouvelle Mégane Renault, en 2011, qui fit plus d’1 million de vues … dont 75% provenaient d’un réseau de blogs partenaires rémunérés à l’occasion de cette campagne. Le mix blogueurs + contenu de marque + plateforme sociale joue à plein dans ces occasions-là. Mais, quand les clips publicitaires sont publiés sans qu’aucun moyen d’attirer le trafic ne soit mis en œuvre, il ne faut pas s’étonner de piètres résultats. Comme déjà dit dans la première partie, les contenus ennuyeux n’attirent que de faibles audiences.

D’autres approches consistent à diffuser un contenu propre à l’expertise de l’entreprise ou de l’organisation. Les grandes universités l’ont bien compris, participant à l’approche désormais qualifiée de MOOC (Massive Open Online Classes). La société à suivre dans ce domaine est probablement l’américain Coursera, qui comptabilise déjà près de 4 millions de membres un an après son lancement en avril 2012. Elle diffuse uniquement les teasers de ses contenus sur YouTube, réservant les cours intégraux sur sa plateforme propriétaire. Coursera s’inscrit avec une vision d’intégration de contenus provenant de plusieurs dizaines de partenaires (dont deux en France), une grande variété de thèmes et des contenus dans 5 langues (anglais, français, italien, espagnol et chinois).

En fait, la garantie du succès passe par un contenu de qualité qui servira aux internautes. C’est la raison qui fait de la chaîne de Castorama, par exemple, un modèle à suivre pour tous ceux et toutes celles qui envisagent de se lancer sur ce format. Avec 200 vidéos explicatives qui passent en revue les principaux problèmes auxquels sont confrontés les bricoleurs occasionnels – les clients de l’enseigne – Castorama totalise … plus de 13 millions de vues !

200 vidéos pour plus de 13 millions de vues !

Une entreprise a tout à gagner à inclure la vidéo parmi ses moyens de communication digitale : des coûts bien moindres que ceux de la télévision, un potentiel de diffusion sur le long terme, des relais multiples. Mais avant de se lancer, comme pour tout sujet stratégique, il faut bien réfléchir à ce qu’on veut dire, et aux moyens mis en œuvre pour le faire savoir. La vidéo, malgré ses qualités intrinsèques, n’échappe pas à cette règle essentielle.

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