Le mariage des médias sociaux, du mobile et du Web

Si, mi 2010, Chris Anderson s’est écrié que le Web était mort dans un article devenu célèbre de la revue dont il est le rédacteur en chef, et si cet article a eu le mérite de lancer un débat, force est aussi de constater que les prémisses posées dans cet article ne sont pas tout à fait justifiées. Dans cet article, le célèbre journaliste de Wired faisait remarquer que les tablettes remplaçaient désormais les PC, que le mobile était le mode d’accès privilégié au Web et que donc, CQFD, le Web était mort et que nous ne verrions plus Internet de la même manière, c’est-à-dire, essentiellement au travers d’applications (de préférence propriétaires) et non au travers de navigateurs ouverts comme cela a été le cas dans les vingt dernières années. Alors qu’en est-il en 2013 ? Le Web est-il (véritablement) mort?

Chez Media Aces, on aime bien les chiffres. S’il y a une chose qui nous irrite au plus haut point, ce sont les affirmations du style “les gens font ceci ou cela de plus en plus”, ou “le marché de [remplacez par ce que vous voulez] est de moins en moins [remplacez par ce que vous voulez]”. Qu’en est-il réellement, au-delà de l’intuition d’un technologue, même génial ?

La réalité de l’accès par mobile

La réalité de l’accès par mobile et par tablette est en fait très variée et différente de ce que la population moyenne peut en penser. Certes le phénomène mobile est important, nous n’allons pas le nier, nous reviendrons sur ce sujet dans la troisième partie.
Mais malgré l’euphorie du marché des tablettes et des Smartphones, nous ne sommes pas passés subitement de 0 à 100% de consultations sur mobile, loin de là. Sur la base de l’observation de nombreux sites Web que nous avons gérés ou analysés ces derniers années, cette progression a plutôt suivi le schéma suivant : en 2010, on constatait encore moins de 10% de connections via les mobiles (tablettes comprises) ; en 2011, 10% en moyenne ; en 2012, de 13 à 15% de connections sur mobiles et tablettes ; et enfin, sur le début de l’année 2013, 17% ou plus. On approche donc des 20 %, mais nous avons vu également un site qui avoisinait les 65% en Espagne (il y a cependant un biais : il s’agissait d’un site d’opérateur qui forçait la page d’accueil de son navigateur mobile !) et si vous prenez des services dits “mobile first” comme Instagram, alors c’est quasiment de 100% qu’il s’agit, car Instagram a un site Web classique très limité, et a vécu ses deux premières années sans site Web ! Toutefois, nos lecteurs ne sont pas tous sur ce modèle, loin s’en faut.

Ensuite, il y a un effet d’optique indéniable dans la présentation d’Anderson et de ses disciples, qui voudraient, comme si un clou chassait l’autre, qu’un utilisateur qui découvrirait les nouvelles formes d’accès au Web en oublie les formes précédentes. C’est faux, les ordinateurs restent indispensables non seulement dans le cadre professionnel mais aussi et surtout lorsqu’il s’agit de création de contenus. Bien sûr, il est possible de rédiger un texte sur un iPad (la version originale de ce chapitre en est d’ailleurs issue), mais le confort d’un PC ou d’un Mac est incomparable pour la production soutenue de contenus riches et multimédia. Une preuve ? Rendez-vous dans l’immense salle de presse du Mobile Worldwide Congress 2013 à Barcelone et vous y recenserez une majorité écrasante d’ordinateurs portables (en plus des tablettes et des Smartphones) : blogueurs et journalistes sont tous revenus à cette option plus traditionnelle, mais plus efficace.

Si tout cela manque encore de chiffres et de faits tangibles, nous avons de quoi comparer nos intuitions aux statistiques des infographies disponibles sur Internet – en prenant du recul et en posant l’hypothèse de la qualité des chiffres fournis (voir l’article de LUsine Nouvelle et l’infographie associée, œuvre d’une société d’hébergement britannique, à l’adresse http://bit.ly/usinemobiles). Si les ventes d’ordinateurs personnels sont indéniablement en déclin, et que celle des tablettes sont en hausse au point de dépasser les premières, cela ne veut pas dire pour autant que tous les utilisateurs ont jeté leur « vieil » ordinateur portable ; en ce qui concerne leur ordinateur de bureau, c’est bien possible, cependant. 29% des utilisateurs de Smartphones, toujours selon notre infographie, utilisent leur téléphone pour acheter en ligne mais l’ordinateur reste pour l’instant, qu’on le veuille ou non, la voie privilégiée pour le e-commerce. Le cabinet PWC l’a très bien démontré dans une récente enquête, effectuée auprès de 11000 acheteurs sur le Web, sondés dans 11 pays différents.

Dans son argumentaire au sujet de la troisième idée reçue, intitulée « les tablettes et les Smartphones détrônent l’ordinateur », le cabinet de conseil montre qu’alors que 97% des utilisateurs interrogés affirment utiliser celui-ci pour effectuer des achats en ligne, ils ne sont que 28% à prétendre utiliser leur tablette ou leur Smartphone.

On peut en déduire deux choses : d’une part que les deux appareils ne sont pas mutuellement exclusifs puisqu’il y a forcément un grand nombre d’utilisateurs de mobiles et Smartphones qui ont dû répondre également oui à la case dédiée à l’ordinateur, au vu des réponses en. Dans un sens, ceci n’a rien d’étonnant et nous renvoie à notre remarque sur les journalistes et les blogueurs du Mobile World Congress de tout à l’heure. D’autre part, la deuxième constatation que nous pouvons faire est bien sûr que l’ordinateur reste le canal privilégié. Le responsable digital se trouve donc confronté à une complexification supplémentaire de son environnement. Il ne doit pas remplacer un canal par un autre, il peut encore moins faire l’impasse sur le nouveau canal qui vient de se révéler, mais il doit bien gérer la complexité et l’interaction entre ces deux canaux qui sont plus que concomitants, mais bien complémentaires.

La baisse des ventes d’ordinateurs est également à rapporter à l’attentisme des utilisateurs en 2012, face à la sortie imminente de Windows 8 en fin d’année, sortie hélas peu spectaculaire en termes de ventes, ce qui n’a pas dopé les ventes de matériels comme le célèbre concepteur de logiciels l’escomptait. Il est fort à parier que Windows 9 sortira plus tôt que prévu (courant 2013 au lieu de 2014) comme le laissent croire bon nombre de rumeurs sur la toile en début 2013.

Il est donc prématuré de jeter votre site Web, mais non d’en faire une version mobile, et peut-être même une version pour tablette, qui ressort dans les statistiques de sites Web (« site-centric » dans le jargon du Web marketing). Nous en reparlerons un peu plus loin.

Et les réseaux sociaux dans tout ça ?

Que n’a-t-on pas entendu ces dernières années : le contenu était mort, les réseaux sociaux avaient remplacé, paraît-il, le fond par la forme, le signifiant par les échanges. S’il y a beaucoup de « cyber babillage » sur le Web, il serait difficile de le nier et nous l’avons déjà évoqué à maintes reprises – le contenu n’a pas pour autant disparu du Web, et les blogs et sites Web encore moins, même si l’audience des blogs est globalement en baisse. Chacun de ces supports a trouvé sa place dans le paysage numérique et les réseaux sociaux, au cœur du partage, eux aussi. Pas de remplacement non plus à prévoir de votre site Web par Facebook, par exemple, nous avons déjà traité de ce sujet dans notre ouvrage précédent, Les médias sociaux expliqués à mon boss . .Les sites web n’ont bien sûr pas disparu, mais ils sont devenus plus sociaux ! La fonction sociale a été, de plus en plus intégrée, à l’instar de ce que Yann Gourvennec a démontré lors de sa présentation à la convention des utilisateurs EZPublish à Cologne en mars 2013.

Le Web n’est donc pas mort, vive le Web ! Il est juste en train d’évoluer, pas toujours dans le sens de la simplicité d’ailleurs, mais tout cela est passionnant et bouillonne d’innovation. Le Web est même de plus en plus le véhicule universel des données et des échanges mondiaux, culturels, personnels et commerciaux, échanges qui prennent de plus en plus de formes variées grâce à lui.

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